En Côte d’Ivoire, comme partout ailleurs en Afrique, la réglementation nationale a longtemps conféré un monopole étatique au secteur des télécommunications. Ce choix était notamment motivé par des impératifs de sécurité nationale. Mais à partir des années 1990, le secteur des télécommunications a connu de nombreuses mutations technologiques, entrainant la mise en œuvre d’importantes réformes.

  • La réforme de 1995

En 1995, l’État de Côte d’Ivoire a engagé un processus de réforme structurelle majeure qui a abouti à l’adoption de la loi n°95-526 du 7 juillet 1995, portant Code des télécommunications, mettant fin au monopole de la Société « Côte d’Ivoire-Télécom ».

L’innovation majeure apportée par cette réforme est sans doute l’ouverture du marché aux opérateurs privés, avec l’introduction de la téléphonie mobile à travers une vaste réforme de privatisation du marché ivoirien des télécommunications. En 1996, trois (3) licences d’exploitation de téléphonie mobile ont été attribuées aux opérateurs Comstar, Ivoiris et Telecel.

Le code des télécommunications de 1995 a constitué un levier précieux pour  soutenir la libéralisation du secteur en Côte d’Ivoire. Cependant, il comportait des lacunes juridiques, à l’origine de conflits récurrents entre les acteurs du marché. Ces vides juridiques ont engendré des goulots d’étranglement, nuisant à la croissance harmonieuse du secteur. Cela a ainsi rendu nécessaire la mise en place d’une seconde réforme.

  • La réforme de 2012

En 2012, une nouvelle réforme a été initiée pour se conformer aux normes régionales de la CEDEAO et améliorer le cadre juridique. Cette démarche, concrétisée par l’adoption en 2012, de l’ordonnance n°2012-293 du 21 mars 2012 relative aux Télécommunications/TIC, a constitué une véritable rupture par rapport au cadre réglementaire antérieur. Elle a introduit une série de réformes visant à libéraliser pleinement le secteur des télécommunications, à stimuler la concurrence, à protéger les consommateurs et à promouvoir l'investissement et le développement du numérique en Côte d'Ivoire. Le nouveau cadre institutionnel s’est traduit notamment par la création de :

  • L’Agence Ivoirienne de Gestion des Fréquences radioélectriques (AIGF)

L’AIGF est une société d’État à laquelle sont confiés la planification, l’attribution, l’affectation et le contrôle des fréquences radioélectriques.

Les missions principales de l’AIGF sont les suivantes :

  • Assurer la planification, l'attribution et le contrôle des fréquences radioélectriques en veillant aux besoins des administrations et des autorités affectataires de fréquences radioélectriques ;

  • Établir le tableau national d’attribution des bandes de fréquences et le fichier d’utilisation des fréquences ;

  • Contrôler l'utilisation des fréquences conformément aux licences individuelles et autorisations accordées, aux enregistrements du registre des fréquences, et saisir les affectataires des anomalies constatées ;

  • Autoriser et coordonner l'implantation sur le territoire national des sites et stations radioélectriques de toute nature afin d'assurer la meilleure utilisation possible des sites disponibles et d'en assurer la conformité à la réglementation nationale et internationale en vigueur ;

  • Préparer et défendre la position de la Côte d'Ivoire dans les négociations internationales en la matière ;

  • Traiter les demandes d’assignations relatives aux systèmes satellitaires ;

  • S'assurer de l'enregistrement des fréquences radioélectriques auprès des instances internationales compétentes ;

  • Veiller à la protection des intérêts nationaux dans le domaine des fréquences radioélectriques ainsi qu'à la protection des positions orbitales réservées à la Côte d'Ivoire ;

  • Contribuer à l'exercice des missions de l'État en matière de défense et de sécurité publique, en relation avec le domaine des radiocommunications ;

  • L’Agence Nationale du Service Universel de Télécommunications/TIC (ANSUT)

L’ANSUT est une société d’État ayant pour principales missions : 

  • d’assurer la mise en œuvre des programmes de service universel pour le compte de l’État ;

  • d’élaborer les cahiers des charges des programmes de service universel des communications électroniques ;

  • d’assurer le suivi de l’exécution des programmes de service universel pour le compte de l'État et de l’Autorité de Régulation ;

  • d’assurer le suivi comptable du financement du service universel par la perception des redevances dues par les opérateurs et fournisseurs de services de communications électroniques et le financement des programmes de service universel ;

  • d’assurer la gestion des opérations d’investissement financées par l’État dans le domaine des communications électroniques.

  • L’Autorité de Régulation des Télécommunications/TIC de Côte d’Ivoire (ARTCI)

L’ARTCI est une Autorité Administrative Indépendante. Le régulateur assure un rôle central avec trois niveaux d’indépendance, à savoir : une autonomie juridique, une autonomie décisionnelle, et une autonomie financière.

Les missions de régulation dévolues à l’ARTCI par l’Ordonnance n°2012-293 du 21 mars 2012 relative aux Télécommunications/TIC en Côte d’Ivoire et les autres textes réglementaires, sont de plusieurs ordres :

  • Les Télécommunications : veiller à la disponibilité, à la qualité et à l’accessibilité des services de télécommunications à des coûts abordables ;

  • La Poste : garantir des services postaux fiables, accessibles et conformes aux attentes des usagers ;

  • La Cybersécurité : veiller à la mise en œuvre de dispositifs et mécanismes pour sécuriser les infrastructures, les systèmes et les données circulant sur les réseaux ;

  • Les Transactions Électroniques : veiller à la sécurisation des transactions électroniques pour assurer la confiance des utilisateurs dans l’économie numérique ;

  • La Protection des Données à Caractère Personnel : protéger les informations personnelles des usagers afin de créer un environnement de confiance pour les échanges numériques ;

  • Les Noms de Domaine : Assurer l’attribution et la gestion des noms de domaine, en particulier ceux en .ci, pour valoriser la présence digitale de notre pays.

La réforme de 2012 se caractérise également par :

  1. L’introduction d'une nouvelle licence unique dite licence globale pour les opérateurs de télécommunications et l’instauration de nouveaux régimes d’autorisation.

  2. Le renforcement de la concurrence et la promotion de l'accès équitable aux infrastructures et services.

  3. Le renforcement de la protection des consommateurs par la mise en place d'un régime de protection des consommateurs, avec des droits et obligations clairement définis pour les opérateurs et les utilisateurs des services de télécommunications.

  4. La promotion de l'investissement par la création d'un environnement juridique et réglementaire plus stable et prévisible pour les investisseurs ainsi que la prise de mesures d'incitations fiscales et autres pour encourager l'investissement dans le secteur des télécommunications

La réforme de 2012 apporte une totale ouverture du marché au privé et abolit la notion de droits exclusifs. L’État devient un acteur du marché, à côté des opérateurs et des consommateurs.

Le marché de l’internet a largement bénéficié de cette réforme, comme en témoigne la présence de nombreux fournisseurs d’accès internet sur le marché ivoirien.

A ce texte principal, se sont rajoutés trois autres textes de lois qui ont été adoptés en 2013 pour régir les usagers et usages dans l’économie numérique. Il s’agit des lois n°2013-546 sur les transactions numériques, n°2013-541 sur la cybercriminalité, et n°2013-450 sur la protection des données à caractère personnel.

Ces textes ont été complétés en 2017 par la loi n° 2017-803 d’orientation de la société de l’information en Côte d’Ivoire, ainsi que par la loi n°2017-500 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives elles-mêmes.

Ces dispositions législatives viennent renforcer le cadre juridique national en matière de développement numérique, de protection des données personnelles, de sécurisation des échanges électroniques et de gouvernance de la société de l’information.

  • La loi n° 2024-352 du 06 juin 2024 sur les communications électroniques

Malgré les avancées notables et le dynamisme du secteur, des difficultés persistent, et sont principalement dues à un manque de clarté et de cohérence dans certains textes, ainsi qu’aux limites d’opérationnalisation de l’ordonnance de 2012 et des textes subséquents. Ces insuffisances engendrent quelques contradictions, des imprécisions et des chevauchements de missions entre les institutions et entre organes de gouvernance.

Face à cette réalité, la loi n° 2024-352 du 06 juin 2024 a été adoptée et vise à soutenir un développement harmonieux du secteur des communications électroniques, en accord avec la volonté des pouvoirs publics de faire de l’économie numérique un moteur de croissance pour la Côte d’Ivoire.

Cette nouvelle loi a pour objectifs de :

  • Assurer une protection efficace des réseaux d’infrastructures d’accueil et de communications électroniques en raison de leur caractère stratégique pour l’État et l’ensemble de la population ;

  • Promouvoir l’exercice d’une concurrence libre et effective dans l’établissement et l’exploitation de réseaux de communications électroniques ouverts au public ainsi que la fourniture de services de communications électroniques dans l’intérêt des utilisateurs ;

  • Définir des règles de nature à assurer une protection efficace des utilisateurs ;

  • Favoriser l’accès du plus grand nombre aux services de communications électroniques et l’aménagement numérique du territoire ;

  • Promouvoir le développement socio-économique du pays par le développement du secteur des communications électroniques.

Ce nouveau cadre réglementaire a également permis la création d’un nouvel organe, l'Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d'Information (ANSSI), par décret n° 2024-958 du 30 octobre 2024. Cette agence, rattachée au Ministère de la Transition Numérique et de la Digitalisation, est chargée de la cybersécurité et de la protection des systèmes d'information du pays. Elle a pour mission de concevoir et mettre en œuvre les stratégies nationales de sécurité des systèmes d'information, de protéger les infrastructures numériques critiques et de coordonner la gestion des crises de cybersécurité. 

  • Autres dispositions réglementaires et stratégiques

L’État ivoirien, conscient des défis d’un monde numérique en constante mutation, a adopté plusieurs textes législatifs et stratégiques récents, notamment :

  • La Loi n° 2023-901 portant promotion des startups numériques, encourageant la propriété locale, l’innovation, et la création de "champions nationaux" dans le secteur numérique ;

  • La Stratégie Nationale de Développement du Numérique ;

  • La Stratégie Nationale de l’Innovation ;

  • La Stratégie Nationale de la Cybersécurité ;

  • La stratégie nationale de l’Intelligence Artificielle et de la gestion des données.

En résumé, toutes ces réformes opérées dans le secteur visent à consolider le cadre réglementaire pour créer une synergie autour du numérique, afin de stimuler les investissements, favoriser une gouvernance efficace, promouvoir la protection des acteurs et des usagers, et renforcer la compétitivité du secteur. Ces réformes visent également à aligner la Côte d’Ivoire sur les standards internationaux et communautaires, et à positionner le pays comme un leader régional dans ce secteur du numérique.